Motricité et scolarites :

Quels lien?

L'éveil de la motricité chez les tout-petits est un aspect fondamental de leur développement global. En tant que kinésithérapeute spécialisé dans le développement de l'enfant, je sais combien cette phase est cruciale pour leur avenir.


Les études récentes ont démontré des liens étroits entre la motricité des jeunes enfants et leurs performances scolaires ultérieures.


Explorons ces relations pour mieux comprendre comment soutenir et encourager ton enfant dès ses premiers mois de vie afin de favoriser son développement cognitif.


Dans cet article, je te partage des informations fondées sur des recherches scientifiques récentes. Nous commencerons par revoir ce qu’est la motricité et ses bienfaits pour ton enfant. Nous examinerons ensuite son impact sur les apprentissages de la lecture, de l’écriture et des mathématiques. Enfin, nous verrons comment la motricité influence le cerveau et facilite les apprentissages, et ce que tu peux faire en tant que parent pour accompagner ton enfant au mieux.

Position assise en W  entre mythes et réalités

1. Qu'est-ce que la motricité ?

Commençons par définir la motricité chez les tout-petits. La motricité désigne l'ensemble des fonctions qui permettent le mouvement. Ce mouvement visible n'est que la partie émergée de l'iceberg.


La motricité implique les fonctions nerveuses, musculaires, proprioceptives (perception du corps dans l'espace), la coordination et même des fonctions intellectuelles. La motricité permet à un bébé ou un jeune enfant de se déplacer dans son environnement et de manipuler ce qui l’entoure.


Elle se divise en deux catégories principales : la motricité fine et la motricité globale.

A. Motricité Fine

La motricité fine concerne les mouvements précis et délicats réalisés par les petits muscles, notamment ceux des mains et des doigts. Elle est essentielle pour des activités comme dessiner, écrire, boutonner une chemise ou manipuler de petits objets. Par exemple, quand Bébé manipule son doudou, il développe sa motricité fine.

B. Motricité globale

La motricité globale englobe les mouvements de plus grande amplitude. Elle fait appel à des muscles ou des groupes de muscles plus importants. De la naissance à la marche, cela inclut des étapes comme le retournement, faire la boussole, le quatre pattes ou la marche. Ce sont les mouvements des chemins moteur ou, les étapes du développement moteur. Plus tard, ce sont des activités comme courir, sauter, grimper et lancer une balle.

2. Importance des différentes formes de motricité

Chaque type de motricité joue un rôle crucial dans le développement global de l'enfant, influençant non seulement ses capacités physiques, mais aussi les compétences cognitives, sociales et intellectuelles.

A. Importance de la motricité fine :

  • Précision et contrôle : La motricité fine est essentielle pour des tâches quotidiennes nécessitant précision et contrôle, comme tenir un crayon pour écrire ou utiliser des outils comme une fourchette ou un tournevis.
  • Développement cognitif : Les activités développant la motricité fine, telles que, les emboîtements chez le tout petit, les puzzles ou les jeux de construction plus tard, stimulent le cerveau en favorisant la résolution de problèmes, l'organisation d'un ensemble d'étapes intermédiaires dans des mouvements complexe et la planification. Elles renforcent également la concentration et la persévérance.
  • Scolarité : Une bonne motricité fine prépare les enfants aux activités scolaires essentielles comme l'écriture, le dessin et l'utilisation d'outils éducatifs.
  • Perception visuelle et spatiale : Les compétences motrices fines développent une meilleure perception de l'espace et une coordination œil-main. Par exemple, jouer avec des blocs de construction demande de comprendre comment les pièces s'assemblent et de coordonner les mouvements pour les placer correctement. Ou encore, lorsque l’enfant vient taper deux jeux l'un contre l'autre, les informations visuelles et motrices se coordonnent pour réaliser un geste précis et efficace.


B. Importance de la motricité globale :

  • Force et coordination : La motricité globale renforce la musculature, améliore la coordination et l'équilibre. Ces compétences permettent des mouvements plus complexes, mais également de base pour soutenir une motricité fine de qualité.
  • Santé physique : En développant la motricité globale et en restant actifs, les enfants augmentent leur endurance, leur système cardiovasculaire, ce qui les aide à rester en bonne santé.
  • Compétences sociales : Les activités motrices globales, comme les jeux de groupe, encouragent la socialisation et le travail en équipe, aidant les enfants à développer des compétences sociales importantes.
  • Mémorisation : Les activités motrices, telles que suivre des séquences de mouvements lors d’une comptine, d’une danse ou chez les plus grands, jouer à des jeux avec de multiples étapes, aident à renforcer la mémoire.
  • Attention et concentration : Les enfants qui pratiquent des activités motrices régulières apprennent à maintenir leur attention et à se concentrer sur des tâches spécifiques. Par exemple, suivre une balle en mouvement lors d'un jeu améliore la concentration et l'attention sélective, car l'enfant doit rester focalisé sur l'objet en mouvement.
  • Résolution de problèmes : Les activités motrices globales stimulent les compétences d'analyse des situations, la capacité à résoudre des problèmes et planifier. Par exemple, atteindre un jeu derrière des obstacles nécessite de naviguer et d'anticiper les mouvements à réaliser pour y parvenir ou de trouver des solutions alternatives pour arriver à son but. As-tu déjà remarqué ce petit qui fait tout le tour d’un obstacle pour récupérer son jeu ?

3. Lien entre compétence motrice et apprentissages : des mathématiques de la lecture et de l’écriture

Depuis les années 2010, de plus en plus de chercheur·es s'intéressent au lien entre motricité et performance académique, notamment sur la lecture, l'écriture et les mathématiques.


Une étude du cerveau a montré une augmentation du volume de matière grise (où se situent les noyaux des neurones) et de matière blanche (où passent les neurones) lorsqu’il y a une pratique d’activités motrices.


Autres conclusions observées :

  • La maîtrise des compétences en motricité fine a un effet positif sur les performances en mathématiques et en lecture à l'école, notamment durant les premières années scolaires.
  • Les compétences en motricité globale (surtout en termes de vitesse, agilité et coordination des membres supérieurs) sont également associées à de meilleurs résultats scolaires.

Ces premiers résultats sont assez robustes et montrent une association entre motricité et diverses compétences scolaires. Maintenant, il faut comprendre dans quel sens se fait cette association. Des auteur·es ont étudié si la pratique de la motricité pouvait aider les élèves dans leur apprentissage.


Une relation positive existe entre les scores de motricité fine et globale à la maternelle et les résultats obtenus à l’école primaire en lecture et en mathématiques.


Enfin, les enfants à qui l’on propose des activités motrices adaptées à l’école en plus des cours habituels de mathématiques et de français, obtiennent de meilleurs résultats dans ces domaines comparés à un groupe d’élèves qui n’avaient que les cours de mathématiques et de français seuls.


De plus, il a été remarqué que l'activité physique a des effets positifs sur la socialisation et la gestion des émotions.


Il semble de plus en plus certain qu'il existe un impact positif de la motricité sur les compétences scolaires. Toutefois, des questions demeurent en suspens : quel type d'activité physique, quelle fréquence, quelle durée et quelle intensité sont les plus adaptées ?


Personnellement, je pense que la variété dans tous ces aspects est primordiale pour pouvoir s'adapter à différentes situations d’apprentissage.


L’étape suivante est de comprendre quels sont les mécanismes qui permettent une facilitation d’apprentissage entre la motricité et la lecture, l’écriture et les mathématiques.

4. Comment la motricité favorise les apprentissages scolaires ?

La relation entre la motricité et les compétences intellectuelles est un domaine complexe et encore en cours de recherche. Actuellement, nous ne connaissons pas les processus exacts qui interviennent, mais plusieurs théories tentent d’expliquer comment les activités motrices peuvent stimuler le développement du cerveau et des compétences cognitives.

A. La sensori-motricité

Pour des auteurs comme Piaget, avant la création d'un savoir, il doit y avoir une organisation préalable (les bases) permettant son assimilation. Ensuite, la création de ce savoir ou de cette connaissance repose dans un premier temps sur la perception de celle-ci (partie sensorielle), puis de son action (partie motrice).


Ex. une motricité fine de qualité avec une bonne dissociation des doigts (la base) permet de suivre une lettre (le ressenti) puis la possibilité de reproduire le mouvement seule (la motricité) facilitant ainsi l’apprentissage des lettres et de la lecture.

B. Concept de cognition motrice

Ce concept repose notamment sur les neurones miroirs. Lors de la réalisation d'un mouvement, de son imagination ou de la visualisation de cette même action réalisée par un autre bébé, ce sont les mêmes zones du cerveau qui sont activées. Ainsi, toute action motrice serait porteuse de connaissances et la motricité participerait aux processus cognitifs.

C. Le modèle ACT-IN (activation intégration )

Développé par Versace, ce modèle propose que les liens entre mémoire et sensori-motricité ne sont pas hiérarchisés, mais concomitants. Cela signifie que le bébé ressent des émotions, des influx sensoriels et des actes moteurs en même temps. C’est l’ensemble de ces composantes activées simultanément lors de l’expérimentation qui, par leur intégration, permet le processus de mémorisation. La connaissance est la capacité de faire le lien entre les expériences présentes et passées.


Cela implique que la mémorisation repose sur différentes traces d’expériences passées et présente, codées d'un point de vue neural. La connaissance est la capacité de faire lien entre les expériences présentes et passées.


La diversité du répertoire sensori-moteur et des compétences motrices aurait donc un rôle important pour la création de connaissances académiques. Par exemple, pour certains adultes, mémoriser un texte de théâtre sera plus facile s'ils bougent ou marchent plutôt que s'ils restent assis à un bureau. Chez les enfants, compter sur les doigts (acte moteur) facilitera l’apprentissage des mathématiques plutôt que de compter seulement dans leur tête.

D. Le redéploiement neural

Pour les auteures de cette théorie, la plasticité du cerveau permettrait la réutilisation de certaines zones cérébrales déjà activées et utilisées pour de nouvelles fonctions. La reconnaissance des doigts et la représentation des nombres activeraient les mêmes zones du cerveau.


Ainsi, la représentation mentale des doigts et leur dissociation grâce à la motricité fine faciliteraient la numération.

E. Approche fonctionnelle

En psychologie développementale, tout apprentissage nécessite une action sur l'environnement (mouvement des yeux pour lire, mouvement de la bouche pour parler, se déplacer dans l'espace pour récupérer une information). Dès lors que ces éléments de motricité sont efficaces, ils ne sont plus une charge pour le cerveau, qui peut alors pleinement orienter son énergie et sa concentration sur l'apprentissage proprement dit.


Par exemple, une bonne motricité fine facilite l’écriture des lettres, favorisant l’apprentissage de l’alphabet. Une bonne motricité globale permet un maintien sur la chaise “sans y penser” tout le temps, favorisant la concentration.



Il semble de plus en plus évident que la motricité est liée aux compétences scolaires, particulièrement en mathématiques et en lecture. Divers modèles et théories proposent des explications complémentaires pour comprendre ces liens. Les chercheur·es continuent d'explorer comment la motricité peut être utilisée pour faciliter les apprentissages scolaires et optimiser le développement global de l'enfant.


Mais qu’est-ce que cela implique pour les parents ?

5. Motricité, que faire en tant que parent ?

Nous l’avons vu, il n’existe pas de type d'activité à privilégier, et on ne connaît pas l’intensité ni la durée la plus appropriée. Il importe donc de bien observer son enfant pour s’y adapter.


Chez le tout-petit, de la naissance à la marche, il me semble important d’offrir à son enfant le maximum d’opportunités pour lui permettre de développer une motricité complète et diversifiée avec une bonne agilité et dextérité à des vitesses d'exécution de plus en plus rapides, sans se mettre en danger.


Je ne le répéterai jamais assez : l’âge seul n’est pas un bon critère pour suivre l’évolution de l’enfant. Dans aucune des études évoquées ci-dessus, l’âge auquel l’enfant réalise le quatre pattes, ses premiers pas, etc., n’était un critère de bonne motricité ou de bons résultats scolaires.


Pour les parents, il est donc important de bien s’informer sur la motricité du bébé(tu peux télécharger ma boîte à outils sur la motricité du bébé avec le poster des chemins du développement moteur).

Voici d’autres idées d’activités à accomplir chez le bébé :


Chez les plus grands, on voit qu’il est important de continuer à avoir une activité physique régulière, ce qui, hélas, n’est pas assez le cas. Seulement 19 % des Australien·es de 5 à 17 ans atteignent les 60 minutes d’activité physique recommandées par jour…


Mon bébé n’est pas très à l’aise en motricité, cela veut dire qu’il aura des difficultés ?

Non, pas du tout. Je pense que tout le monde a connu le cliché de “l’intello”. Une petite fille ou un petit gars à lunettes, pas très à l’aise dans son corps ni en sport et qui pourtant n’avait aucune difficulté scolaire. Il est important de voir qu’il existe une grande diversité entre chaque enfant.


Ce que ces études mettent en avant, c’est l'impérieuse nécessité de travailler la motricité régulièrement et à tout âge pour offrir un maximum d'opportunités de pratiquer des mouvements diversifiés. La motricité est un facteur facilitant pour les apprentissages scolaires, mais pas le seul. Et le cerveau du jeune enfant a une grande plasticité. Il est donc capable de s’adapter et de récupérer. Mais plus on pratique tôt, plus cela est facile !

Que retenir de tout cela ?

Il est de plus en plus évident que la motricité est étroitement liée aux compétences scolaires, particulièrement en mathématiques, en écriture et en lecture.


Divers modèles et théories offrent des explications complémentaires pour comprendre ces liens. Toutes s’accordent à dire que la motricité est un vecteur important facilitant les apprentissages et les connaissances.


En tant que parent, il est crucial d'offrir à son enfant des opportunités variées et adaptées pour développer sa motricité dès la naissance, tout en observant attentivement ses progrès pour mieux répondre à ses besoins spécifiques.


Si ton bébé ne marche pas encore et que tu souhaites accompagner sa motricité, lui offrir les meilleures chances d’un développement harmonieux, rejoint Bébé Explorateur et découvre une multitude de ressources et d'activités conçues pour soutenir et enrichir les compétences motrices de ton enfant, de la naissance à la marche.

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Jonathan

Kinésithérapeute en pédiatrie